Priapisme

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Priapisme
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Dans la mythologie grecque, Priape est un dieu de la fertilité ithyphallique, exhibant un priapisme marqué. « Priape au caducée », fresque murale anonyme, Pompéi entre 89 avant notre ère et 79 de notre ère.

Traitement
Spécialité UrologieVoir et modifier les données sur Wikidata
Classification et ressources externes
CIM-10 N48.3
CIM-9 607.3
DiseasesDB 25148
MedlinePlus 003166
eMedicine 437237
MeSH D011317

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

Le priapisme (du grec πριαπισμός, « érection ») est une situation douloureuse et dangereuse dans laquelle le pénis après l'érection ne retrouve pas sa flaccidité normale au bout de quatre heures, même en l'absence de toute stimulation physique ou psychologique.

Tout priapisme perdurant plus de quatre heures est une urgence médicale absolue, impliquant une évaluation d'urgence par un médecin qualifié pour notamment identifier le sous-type de priapisme (ischémique ou non)[1]. Le cas du priapisme ischémique aigu nécessite une intervention (éventuellement chirurgicale) aussi précoce que possible.

Causes[modifier | modifier le code]

Les mécanismes du priapisme impliquent des facteurs neurologiques et vasculaires complexes, pour certains encore mal compris.

Le priapisme peut être associé à

Certains poisons d'origine animale induisent un priapisme (ex : venin de la Phoneutria nigriventer)[3] (mortel pour les jeunes enfants).

Le priapisme peut aussi être provoqué par certains médicaments :

  • certains antidépresseurs/sédatifs (ex : et trazodone) et anciens antipsychotiques (conventionnels de première génération ; ex :chlorpromazine), qui semblent induire un blocage alpha-adrénergique, parfois médié par les récepteurs alpha dans les corps caverneux du pénis), de même pour les antipsychotiques typiques[4] ; le risque de priapisme est bien moindre, mais non-nul avec les antipsychotiques atypiques, également dits « de seconde génération »[4] ; presque tous les antipsychotiques (rarement) peuvent provoquer un priapisme en raison de leur antagonisme alpha-adrénergique[5]. Selon Compton et Miller (2001), les cliniciens et patients devraient être mieux sensibilisés à ce risque[5] ;
  • anticoagulants ;
  • corticostéroïdes ;
  • les médicaments destinés à lutter contre la dysfonction érectile, inhibiteurs de type 5 (PDE5) aux phosphodiestérases comme le sildénafil (plus connu sous le nom de Viagra), le tadalafil et le vardénafil. L'alprostadil utilisé en injection contre la dysfonction érectile peut aussi provoquer un priapisme.

Il peut aussi être l'un des symptômes du manque chez des utilisateurs de drogues telles que l'héroïne.

Une majorité des signaux transmis par la moelle épinière aux organes sexuels sont inhibiteurs : dès qu'ils disparaissent le pénis est désinhibé et entre en érection.

La consommation de "Mouche d'Espagne" ou "Cantharide officinale" (Lytta vesicatoria) est réputée provoquer le priapisme[6].

On dit aussi qu'un pendu entre en érection (voir érection post mortem). Mais ici la cause n'est pas une désinhibition du pénis, mais est due au fait que le sang afflue vers les extrémités inférieures du corps lors de la pendaison.

Il existe deux sous-types différents qui ne se soignent pas de la même façon[7] :

Complications[modifier | modifier le code]

Les complications possibles incluent l'ischémie, la coagulation du sang retenu dans le pénis (thrombose) et l'endommagement des vaisseaux sanguins du pénis qui peut avoir comme conséquence une fonction érectile diminuée ou une impuissance. Dans les cas sérieux, la gangrène peut survenir[9] et au pire rendre nécessaire la pénectomie.

Diagnostic[modifier | modifier le code]

Le priapisme est une urgence médicale[10].

Des lignes directrices ont été mises à jour en 2021, par l'AUA (American Urological Association). Destinées aux cliniciens, elles portent à la fois sur le diagnostic (il faut rapidement savoir s'il s'agit d'une forme ischémique aiguë, cas le plus grave, ou d'un priapisme non-ischémique), et sur le traitement approprié (chirurgical ou non). Elles indiquent que ce traitement devrait être basé à la fois sur « les objectifs du patient, les ressources disponibles et l'expérience du clinicien »[10].

Ces directives portent (pour la prise en charge du patient aux urgences) sur :

  • le rôle de l'imagerie médicale ;
  • les tests de laboratoire en appoint ;
  • le travail de l'urologue ;
  • la discussion relative aux thérapies conservatrices, aux risques de dysfonction érectile et de complications chirurgicales ;
  • des recommandations spécifiques relatives à l'utilisation de la phényléphrine intracaverneuse avec ou sans l'irrigation ;
  • de nouvelles techniques chirurgicales (ex : tunnelisation) ;
  • la mise en place précoce de prothèses péniennes.

Traitement[modifier | modifier le code]

Selon les lignes directrices, certains hommes peuvent être traités par des injections intra-caverneuses de phényléphrine seule, d'autres par aspiration/irrigation ou shunt distal. Une prise en charge au chevet du patient est généralement possible, mais une intervention chirurgicale est parfois nécessaire, éventuellement avec pose (non urgente) d'une prothèse pénienne[10].

Aux urgences, la thérapie consiste généralement à aspirer le sang du corps caverneux sous anesthésie locale.
Si cela ne suffit pas, on peut pratiquer des injections de pseudoéphédrine pour y aider[11]. Tout cela ne peut être exécuté que par un urologue expérimenté, le patient restant constamment sous contrôle hémodynamique, car la pseudoéphédrine peut provoquer hypertension et tachycardie.

Si l'aspiration échoue et que la tumescence se reproduit, on tente alors la chirurgie en essayant d'inverser l'état priapique en faisant passer le sang des corps caverneux rigides dans les corps spongieux (qui contiennent le gland et l'urètre). On commence par des shunts (en) distaux, suivis de shunts proximaux[12].

Dans les shunts distaux, comme les « shunts de Winter », il faut percer le gland (la partie distale du pénis) dans un des corps caverneux, où le sang stagnant est retenu. Ainsi le sang quitte le pénis et la circulation recommence. Cette procédure peut être exécutée par un urologue au chevet du malade[12].

Dans les shunts proximaux, comme les « shunts de Quackel », l'opération est plus délicate : il faut ouvrir le périnée - là où les corps caverneux rencontrent les corps spongieux -, faire une incision aux deux, puis suturer les deux ouvertures.

La mise en place d'une prothèse pénienne gonflable peut être nécessaire, par exemple en cas de priapisme ischémique aigu non traité ayant duré plus de 36 heures, ou chez des patients réfractaires au shunt (avec ou sans tunnelisation), ou pour des patients chez lesquels le shunt a bien induit une détumescence, mais laisse une impuissance (secondaire à l'ischémie et à la fibrose qu'elle a pu induire, ou à l'intervention chirurgicale elle-même)[10].

Les séquelles d'un priapisme font qu'une détumescence est parfois indispensable pour soulager la douleur, au détriment alors de la capacité érectile. Dans ce cas, une prothèse pénienne (érectile à la demande) peut être proposée au patient, après avoir pesé, avec le médecin, plusieurs facteurs (dont la cause et durée du priapisme persistant, l'état général du patient, la littératie et la compréhension du sujet par le patient), et en fonction de l'expérience du médecin.
Les retours d'expérience laissent penser que ce type de prothèses posées après un priapisme ischémique aigu peuvent très efficacement permettre la détumescence[13],[14],[15] et ce faisant, soulager la douleur[16], préserver la longueur du pénis[17],[13],[18],[19] et permettre un retour à une activité sexuelle[13],[14], [15],[18],[19] globalement satisfaisante[16],[14],[15],[18]. Des infections sont possibles, mais dans moins de 10 % des cas[10].

Éviter d'endommager la tunique distale (quand les chances de résolution du priapisme sont extrêmement faibles) est théoriquement avantageux pour la mise en place ultérieure d'une prothèse pénienne. Selon Zacharakis et al. (2014), près de 50 % de ceux ayant reçu un implant pénien dans les 17 jours après l'apparition du priapisme avaient aussi déjà subi un shunt distal[20], or, jusqu'à 6 % des patients ayant subi une chirurgie de shunt développeront une « perforation distale ». Parmi ceux qui ont reçu des dispositifs gonflables de manière différée (médiane : 5 mois), 80 % ont eu besoin de tubes à base étroite. Dans une étude multicentrique distincte avec moins de patients, 40 % des hommes avec des shunts distaux antérieurs subissant la pose d'implants péniens nécessitaient des cylindres à base étroite, et 20 % ont eu besoin d'une explantation ultérieure pour érosion distale[21].
L'imagerie médicale peut aider le médecin à conseiller son patient ; même quand il a peu de chances de récupération fonctionnelle, les cliniciens peuvent souhaiter peser et considérer le détriment potentiel du shunt distal pour les patients qui pourraient ensuite décider une pose d'implants[10].

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le nom vient du dieu grec Priape, et fait allusion à son attribut le plus remarquable. Selon la mythologie grecque, Priape aurait été puni par les dieux pour avoir essayé de violer une déesse. On lui donna en punition d'énormes attributs de bois, ensemble énorme mais inutile. La contrepartie féminine de cet état est connue sous le nom de clitorisme[22],[23].


Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Priapismes », sur urofrance.org (consulté le ).
  2. (en) Rodgers R, Latif Z, Copland M. « How I manage priapism in chronic myeloid leukaemia patients » Br J Haematol. 2012;158(2):155-64. PMID 22571386 DOI 10.1111/j.1365-2141.2012.09151.x
  3. (en) Leite KR, Andrade E, Ramos AT, Magnoli FC, Srougi M, Troncone LR, « Phoneutria nigriventer spider toxin Tx2-6 causes priapism and death: a histopathological investigation in mice », Toxicon, vol. 60, no 5,‎ , p. 797-801 (PMID 22750220, DOI 10.1016/j.toxicon.2012.06.006) modifier
  4. a et b (en) Shabnam Sood, William James et Maria-Jesus Bailon, « Priapism associated with atypical antipsychotic medications: a review: », International Clinical Psychopharmacology, vol. 23, no 1,‎ , p. 9–17 (ISSN 0268-1315, DOI 10.1097/YIC.0b013e3282f1c1ef, lire en ligne, consulté le )
  5. a et b Michael T. Compton et Andrew H. Miller, « Priapism Associated With Conventional and Atypical Antipsychotic Medications: A Review », The Journal of Clinical Psychiatry, vol. 62, no 5,‎ , p. 362–366 (ISSN 0160-6689, DOI 10.4088/JCP.v62n0510, lire en ligne, consulté le )
  6. Ariel Fenster, « Cantharide, cantharidine, grenouilles et légionnaires », Agence Science Presse, les Manchettes scientifiques d’Ariel Fenster (Blogue),‎ (lire en ligne)
  7. « Le priapisme artériel et veineux : expérience sur 36 cas », sur urofrance.org, (consulté le ).
  8. « Accéder aux archives de l'UNESS », sur cerimes.fr (consulté le ).
  9. (en) Ajape AA, Bello A. « Penile gangrene: an unusual complication of priapism in a patient with bladder carcinoma » J Surg Tech Case Rep. 2011;3(1):37-9. PMID 22022653 DOI 10.4103/2006-8808.78470
  10. a b c d e et f (en) Trinity J. Bivalacqua, Bryant K. Allen, Gerald Brock et Gregory A. Broderick, « Acute Ischemic Priapism: An AUA/SMSNA Guideline », Journal of Urology, vol. 206, no 5,‎ , p. 1114–1121 (ISSN 0022-5347 et 1527-3792, DOI 10.1097/JU.0000000000002236, lire en ligne, consulté le )
  11. Pierre Bondil, Jean-Luc Descottes, Abdul Salti, Riad Sabbagh, Tarek Hamza, « Traitement médical du priapisme veineux à propos de 46 cas : ponction, détumescence pharmacologique ou réfrigération pénienne ? [Conservative treatment of venous priapism based on a series of 46 cases : puncture, pharmacological detumescence or penile cooling?] » Progrès en Urologie (1997;7:433-41.[PDF] PMID 9273072
  12. a et b (es) Vázquez Alonso F, Vicente Prados FJ, Fernández Sánchez A, Pascual Geler M, Funes Padilla C, Rodríguez Herrera F, Martínez Morcillo A, Cózar Olmo JM, Espejo Maldonado E, Tallada Buñuel M. « Priapismo de Bajo Flujo. Tratamiento Mediante Shunt Safeno-Cavernoso [Low flow priapism. Treatment by sapheno-cavernous shunt] » Arch Esp Urol. 2007;60(3):300-3. PMID 17601308
  13. a b et c O Sedigh, L Rolle, C L A Negro et C Ceruti, « Early insertion of inflatable prosthesis for intractable ischemic priapism: our experience and review of the literature », International Journal of Impotence Research, vol. 23, no 4,‎ , p. 158–164 (ISSN 0955-9930 et 1476-5489, DOI 10.1038/ijir.2011.23, lire en ligne, consulté le )
  14. a b et c Emad A. Salem et Ola El Aasser, « Management of Ischemic Priapism by Penile Prosthesis Insertion: Prevention of Distal Erosion », Journal of Urology, vol. 183, no 6,‎ , p. 2300–2303 (ISSN 0022-5347 et 1527-3792, DOI 10.1016/j.juro.2010.02.014, lire en ligne, consulté le )
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  18. a b et c Evangelos Zacharakis, Francesco De Luca, Amr Abdul Raheem et Giulio Garaffa, « Early insertion of a malleable penile prosthesis in ischaemic priapism allows later upsizing of the cylinders », Scandinavian Journal of Urology, vol. 49, no 6,‎ , p. 468–471 (ISSN 2168-1805 et 2168-1813, DOI 10.3109/21681805.2015.1059359, lire en ligne, consulté le )
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  20. Evangelos Zacharakis, Gulio Garaffa, Amr A. Raheem et Andrew N. Christopher, « Penile prosthesis insertion in patients with refractory ischaemic priapism: early vs delayed implantation », BJU International, vol. 114, no 4,‎ , p. 576–581 (ISSN 1464-4096, DOI 10.1111/bju.12686, lire en ligne, consulté le )
  21. Kevin Krughoff, Priyanka Bearelly, Michel Apoj et Nicolas A. Munarriz, « Multicenter surgical outcomes of penile prosthesis placement in patients with corporal fibrosis and review of the literature », International Journal of Impotence Research, vol. 34, no 1,‎ , p. 86–92 (ISSN 0955-9930 et 1476-5489, DOI 10.1038/s41443-020-00373-9, lire en ligne, consulté le )
  22. (en) Monllor J, Taño F, Arteaga PR, Galbis F. « Priapism of the clitoris » Eur Urol. 1996;30(4):521-2. PMID 8977080
  23. (en) Arntzen BW, de Boer CN. « Priapism of the clitoris » BJOG. 2006;113(6):742-3. PMID 16709221

Articles connexes[modifier | modifier le code]