Lady Macbeth

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Lady Macbeth
Personnage de fiction apparaissant dans
Macbeth.

Ellen Terry en Lady Macbeth, de John Singer Sargent (1889).
Ellen Terry en Lady Macbeth, de John Singer Sargent (1889).

Origine Écosse
Sexe Féminin
Espèce Humaine
Activité Noble
Caractéristique Intrigante sans scrupules qui aménage l'ascension sociale de son mari, puis figure de la folie.
Famille Macbeth (époux)
Ennemi de Duncan Ier, roi d'Écosse

Créé par Shakespeare

Lady Macbeth est un des personnages principaux de la tragédie Macbeth de William Shakespeare, probablement rédigée entre 1599 et 1606 et publiée pour la première fois en 1623. Femme de Macbeth, noble écossais et héros tragique de la pièce, Lady Macbeth incite son mari à commettre un régicide, à la suite de quoi elle devient reine d'Écosse. Plus tard, cependant, sa culpabilité face au crime commis la fait souffrir de somnambulisme. Elle meurt dans le dernier acte, hors scène, d'un présumé suicide.

Selon certains généalogistes, la femme du roi Duncan était la grand-mère de Lady Macbeth et donc une plus grande revendication au trône, ce qui provoqua la jalousie et la haine de Lady Macbeth envers Duncan.

Les origines du personnage reposent dans le travail de Raphael Holinshed, Chroniques d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande, publié en 1587, une histoire du Royaume-Uni, source majeure de Shakespeare pour ses œuvres. Lady Macbeth est donc inspirée de Gruoch d'Écosse, femme de Macbeth, roi d'Écosse.

Lady Macbeth est un personnage proéminent de la pièce, principalement dans les deux premiers actes. Cependant, après le meurtre du roi Duncan, son rôle dans l'histoire diminue. Elle devient un spectateur externe des complots de Macbeth et l'hôte d'un banquet dominé par les hallucinations de son mari. La scène de sa crise de somnambulisme dans le cinquième acte est un pivot de la pièce, et sa réplique « Va-t'en, maudite tache... » ("Out, damned spot!")[1] est devenue une phrase familière dans la langue anglaise. L'annonce de sa mort dans la cinquième scène du cinquième acte de la pièce inspire le soliloque « Demain, demain, demain »[2] de Macbeth.

Les analystes voient dans le personnage de Lady Macbeth le conflit entre la féminité et la masculinité telles que ces notions sont exprimées dans les normes culturelles. Lady Macbeth supprime ses instincts envers la compassion, la maternité et la fragilité — associées à la féminité — en faveur de l'ambition, d'un caractère impitoyable et d'une quête de pouvoir tenace. Ce conflit colore la pièce et met en lumière les préconceptions de genre de l'Angleterre shakespearienne à nos jours.

Histoire[modifier | modifier le code]

Lady Macbeth apparaît pour la première fois dans la pièce dans la cinquième scène du premier acte, où elle apprend, à travers une lettre de son mari, que trois sorcières ont prédit le futur de ce dernier et qu'il est destiné à devenir roi d'Écosse. Quand Duncan, actuel roi d'Écosse, devient son invité, Lady Macbeth profite de l'occasion pour mettre en application son meurtre. Elle sait que la nature de son mari est « trop pleine du lait des tendresses humaines »[3] pour commettre un régicide, c'est donc elle qui complote le meurtre ; puis, contrant les arguments de son mari et lui rappelant que c'est lui qui a abordé le sujet en premier, elle déprécie son courage et sa virilité jusqu'à ce qu'il se plie à ses desseins.

Le roi Duncan se retire après une nuit de festin. Lady Macbeth drogue ses serviteurs et prépare les dagues pour le crime. Macbeth tue le roi dans son sommeil tandis que Lady Macbeth fait le guet. Quand il rapporte les dagues de la chambre, Lady Macbeth lui ordonne de les retourner sur la scène de crime, ce qu'il refuse de faire. Elle les rapporte alors elle-même et asperge les serviteurs drogués de sang, puis le couple part se laver les mains.

Après le meurtre de Duncan, le rôle de Lady Macbeth prend une place moins importante. Quand les fils de Duncan fuient le pays, ayant peur pour leur vie, Macbeth est nommé roi. Sans consulter sa femme, Macbeth complote d'autres meurtres pour assurer sa place sur le trône, et, lors d'un banquet royal, la reine est forcée de renvoyer les invités quand Macbeth commence à halluciner. Dans sa dernière apparition, elle fait une crise de somnambulisme et est atteinte d'un profond tourment. Elle meurt hors-scène, d'un présumé suicide, quand Malcolm, fils aîné du roi Duncan, déclare qu'elle « s'est détruite de ses propres mains »[4].

Dans le Premier Folio, la première édition de la pièce, elle n'est jamais nommée en tant que Lady Macbeth, à part en didascalies, mais comme la compagne de Macbeth.

Acte V, scène 1[modifier | modifier le code]

Lady Macbeth somnambule, Johann Heinrich Füssli, 1784. (Musée du Louvre)

La scène du somnambulisme[1] est l'une des scènes les plus célébrées de Macbeth, et même de toute l'œuvre de Shakespeare. Elle n'a pas d'équivalent historique et n'est qu'une invention du dramaturge.

A. C. Bradley, critique littéraire et universitaire anglais dont les analyses de William Shakespeare sont particulièrement notoires, note que, avec l'exception de quelques répliques, cette scène est entièrement en prose avec Lady Macbeth étant le seul personnage principal de la tragédie à faire une dernière apparence « sans la dignité du vers ». Selon Bradley, Shakespeare donnait généralement la prose aux personnages avec des conditions anormales telles que le somnambulisme, car le rythme régulier du vers est inapproprié pour des personnages ayant perdu leur sagesse d'esprit ou sujets à des images et des impressions sans connections rationnelles. Les souvenirs de Lady Macbeth — le sang sur ses mains, la sonnerie de l'horloge, la réticence de son mari — sortent de son esprit en désordre dans un ordre aléatoire, chaque image accentuant son angoisse. Pour Bradley, « les phrases courtes et monotones de Lady Macbeth sont les seules phrases vraies », avec la construction simple et efficace de la diction du personnage exprimant une « misère désolante »[5]. Son lavage de mains répétitif, pour se débarrasser du sang, est également un symptôme très commun du trouble obsessionnel compulsif.

Analyse[modifier | modifier le code]

Une anti-mère[modifier | modifier le code]

Stephanie Chamberlain, dans son article "Fantasizing Infanticing: Lady Macbeth and the Murdering Mother in Early Modern England, annonce que même si Lady Macbeth veut le pouvoir, ce dernier est conditionné par la maternité, qui était sujet à débats au début de l'époque moderne en Angleterre. Chamberlain explique que l'image de Lady Macbeth en tant que mauvaise mère, comme lorsqu'elle annonce avoir envisagé de faire « sauter la cervelle » de « l'enfant qui [la] tette »[6], reflète les controverses sur la figure maternelle à l'époque de Shakespeare. En effet, les mères étaient accusées de blesser les personnes placées entre leurs mains. Lady Macbeth est ainsi une personnification de toutes les mères de cette époque, condamnées pour le fantasme d'infanticide que Lady Macbeth représente. Le fantasme de Lady Macbeth, ajoute Chamberlain, ne représente pas le combat pour être une figure masculine, mais plutôt le combat contre la condamnation, souvent infligée pour les mères jugées indignes à l'époque[7].

Jenijoy La Belle, professeure de littérature anglaise au California Institute of Technology, a un point de vue différent dans son article intitulé A Strange Infirmity: Lady Macbeth's Amerorrhea. La Belle annonce que Lady Macbeth ne souhaite pas seulement aux esprits de s'éloigner de la féminité, mais également d'éliminer les caractéristiques biologiques de base des femmes, à la suite de quoi La Belle se concentre sur la menstruation. En effet, Lady Macbeth, en demandant : « Changez à l'instant mon sexe [...] Épaississez mon sang ; fermez tout accès, tout passage aux remords (...) », demande que son cycle menstruel s'arrête, et ainsi qu'elle arrête de ressentir de la sensibilité et de la compassion, sentiments associés aux femmes. Elle souhaite devenir un homme pour éviter tout remords à la suite du régicide. La Belle continue son argument en liant l'arrêt de son cycle menstruel aux motifs infanticides disséminés à travers la pièce. Elle donne donc les exemples du « doigt de l'enfant d'une fille de joie » jeté dans le chaudron des trois sorcières[8] ; les enfants de Macduff « inhumainement massacrés »[9] et le « petit enfant » aux « molles gencives » dont elle aurait pu faire « sauter la cervelle »[6] pour démontrer que Lady Macbeth est véritablement un archétype de l'anti-mère ; non seulement elle serait capable de détruire la cervelle de son propre enfant, mais également d'aller encore plus loin pour supprimer tous ses moyens de procréation seulement par quête du pouvoir[10].

Une sorcière[modifier | modifier le code]

Certains critiques littéraires et historiens ajoutent que Lady Macbeth ne représente pas seulement une figure anti-maternelle générale, mais également un type spécifique d'anti-mère : la sorcière. Joanna Levin définit la sorcière de nos jours comme une femme qui succombe aux forces sataniques et à une luxure envers le Diable et qui, que ce soit pour cette raison ou pour le désir d'obtenir des pouvoirs surnaturels, invoque des esprits. Le physicien anglais Edward Jorden publie en 1603 un écrit intitulé Brief Discourse of a Disease Called the Suffocation of the Mother, dans lequel il spécule que cette force viendrait directement du système reproducteur féminin. Du fait que personne d'autre n'eut publié d'essais sur la susceptibilité des femmes, et particulièrement des mères, de devenir à la fois la sorcière et l'ensorcelée, les écrits de Jorden ont aidé à bâtir la vision de la relation entre les femmes et la sorcellerie qui se popularise et grandit durant la Renaissance anglaise. Joanna Levin se réfère à un écrit de Marianne Hester, Lewd Women and Wicked Witches: A Study of Male Domination, dans lequel Hester articule une interprétation féministe de la sorcière comme une femme puissante. Levin résume l'argument des historiens féministes comme Hester : la sorcière devrait être une figure célébrée pour sa non-conformité, sa résistance et le sentiment général de puissance qu'elle produit : les sorcières défient l'autorité patriarcale et la hiérarchie, et menacent plus particulièrement le système hégémonique du sexe et du genre. Cette vision associe la sorcellerie — et, par extension, Lady Macbeth — non pas avec le mal et l'infamie, mais avec une forme d'héroïsme.

Jenijoy La Belle juge la féminité et la sexualité de Lady Macbeth en les reliant aussi bien à la maternité qu'à la sorcellerie. Le fait qu'elle conjure les esprits la rapproche de la sorcière, et cet acte en lui-même crée une similarité avec les Sœurs du Destin dans la pièce : elles « utilisent les pouvoirs métaphoriques du langage pour appeler des pouvoirs spirituels qui, à leur tour, influent sur des événements physiques — dans un cas, sur le fonctionnement de l'État, et dans l'autre, le fonctionnement du corps de la femme ». Comme les sorcières, Lady Macbeth lutte pour devenir un instrument utile pour prédire le futur[10]. Elle prouve qu'elle est une anticonformiste puissante et une menace explicite au gouvernement patriarcal en place en manipulant Macbeth afin qu'il tue Duncan en le faisant douter de sa masculinité. Malgré le fait qu'elle le traite de lâche, il reste réticent, jusqu'à ce qu'elle lui dise : « À quelle bête apparteniez-vous donc lorsque vous vous êtes ouvert à moi de cette entreprise ? Quand vous avez osé la former, c'est alors que vous étiez un homme ; et en osant devenir plus grand que vous n'étiez, vous n'en seriez que plus homme. » Ainsi, Lady Macbeth renforce une conception masculine du pouvoir, alors qu'elle vient de demander à être asexuée ou déféminisée.

Les Sœurs du Destin sont également représentées déféminisées et même androgynes : elles sont barbues[11], ce qui peut être associé à l'aménorrhée de Lady Macbeth. Les sorcières sont représentées comme un archétype extrême de l'anti-mère, qui sont capables de cuisiner et de manger leurs propres enfants. Même si Lady Macbeth n'exprime pas de la violence envers son enfant d'une manière aussi grotesque, elle exprime un sentiment de brutalité certain quand elle annonce vouloir lui faire sauter la cervelle.

Postérité[modifier | modifier le code]

Peinture[modifier | modifier le code]

Théâtre[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

Télévision[modifier | modifier le code]

Politique[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Macbeth, William Shakespeare, acte V, scène 1.
  2. Macbeth, William Shakespeare, acte V, scène 5. Soliloque entier : « Elle aurait dû mourir plus tard : il serait arrivé un moment auquel aurait convenu une semblable parole. Demain, demain, demain, se glisse ainsi à petits pas d'un jour à l'autre, jusqu'à la dernière syllabe du temps inscrit ; et tous nos hier n'ont travaillé, les imbéciles, qu'à nous abréger le chemin de la mort poudreuse. Éteins-toi, éteins-toi, court flambeau : la vie n'est qu'une ombre qui marche ; elle ressemble à un comédien qui se pavane et s'agite sur le théâtre une heure ; après quoi il n'en est plus question ; c'est un conte raconté par un idiot avec beaucoup de bruit et de chaleur, et qui ne signifie rien. »
  3. Macbeth, William Shakespeare, acte I, scène 5.
  4. Macbeth, William Shakespeare, acte V, scène 7.
  5. A. C. Bradley, Shakespearean Tragedy (La tragédie shakespearienne), 1904.
  6. a et b Macbeth, William Shakespeare, acte I, scène 7.
  7. Stephanie Chamberlain, Fantasizing Infanticide: Lady Macbeth and the Murdering Mother in Early Modern England, 2005.
  8. Macbeth, William Shakespeare, acte IV, scène 1.
  9. Macbeth, William Shakespeare, acte IV, scène 3.
  10. a et b Jenijoy La Belle, A Strange Infirmity: Lady Macbeth's Amenorrhea, 1980.
  11. Macbeth, William Shakespeare, acte I, scène 3 : « Je vous prendrais pour des femmes si votre barbe ne me défendait de le supposer. »
  12. (en) William Shakespeare, Anthony Quayle, Gewn Ffrangcon Davies et Stanley Holloway, Macbeth, The Shakespeare Recording Society, (lire en ligne)